L’improvisation et les biais coûtent cher — seule l’analyse donne la vérité.
Introduction
Quand la pression monte pour « augmenter les ventes », beaucoup d’entreprises sautent l’étape du diagnostic et foncent en prospection ou en campagnes. Résultat : de l’énergie dépensée, peu de résultats durables, et la conviction (fausse) que « le marché est difficile ». Si vous voulez aller de Point A (votre situation réelle) à Point B (vos objectifs), il faut d’abord mesurer Point A. Pas besoin d’un labo de data : quelques analyses de base, bien faites, changent tout.
Deux repères utiles :
- La BDC observe que nombre de PME gèrent encore leur croissance de façon ad hoc, ce qui limite directement la performance (voir le guide « How to scale up your business » de la BDC).
- Côté marché, CB Insights rappelle que 42 % des startups échouent faute de “vrai besoin marché” — autrement dit, par mauvaise lecture du client (voir « The Top 12 Reasons Startups Fail » de CB Insights).
Pourquoi nos certitudes déraillent
Les biais qui nous piègent
- Projection : on suppose que le client pense comme nous.
- Échantillon biaisé : on généralise à partir de 3 clients bruyants.
- Confirmation : on ne retient que ce qui confirme notre intuition.
- Raccourcis d’urgence : « on a besoin de ventes maintenant », donc on zappe le diagnostic.
Les coûts invisibles
- Mauvais ciblage : du temps passé sur des comptes à faible potentiel.
- Marge érodée : promesses mal alignées → concessions de prix pour “fermer”.
- Pipeline illusion : beaucoup d’activités, peu d’occasions qualifiées.
- Épuisement des équipes : efforts dispersés, peu de victoires.
Diagnostiquer votre Point A : le minimum efficace
Objectif : en 2 à 4 semaines, obtenir une photo honnête de votre mix clients/produits et de vos occasions.
1) Pareto « clients x produits »
- Classez vos ventes par client et par produit, 12 derniers mois.
- Identifiez le Top 20 % de clients qui génèrent ~80 % des ventes/marge.
- Marquez les produits phares vs le bois mort.
À quoi ça sert ? Savoir où concentrer vos efforts (couverture, offres, service).
2) Rentabilité et concentration
- Calculez marge brute par client/segment.
- Mesurez la dépendance : part du Top 10 clients dans le total.
- Repérez les signaux d’érosion : fréquence d’achat en baisse, paniers qui rétrécissent.
Décisions : plans de rétention et d’expansion là où la marge vit.
3) Profil Client Idéal
Créez un score simple (1–5) sur :
- Fit (usage, exigences techniques)
- Potentiel (taille, croissance)
- Accessibilité (accès décideurs, délais d’homologation)
- Urgence (irritants actuels)
- Avantage (où vous êtes vraiment meilleurs)
Décisions : prioriser les comptes A/B ; parquer les C (nurture).
4) Équipes d’achats et leurs critères d’évaluation
- Pour vos 3 segments clés : qui influence/décide ?
- Quels critères pèsent lourd (risque, intégration, coût total d’acquisition (TCO), délais) ?
- Quels freins récurrents ?
Décisions : messages, preuves et pitch par persona et étape d’achat.
5) Win/Loss « léger »
- 10 dossiers gagnés/perdus : pourquoi, à quel moment, face à qui ?
- Classez les causes « contrôlables » vs « non contrôlables ».
Décisions : corriger les angles morts qui reviennent.
6) Hygiène des données
- Champs CRM obligatoires par phase (besoin, valeur, décideurs, prochaine action).
- Définissez 1 version de la vérité (glossaire KPI) et un nettoyage mensuel.
Exemples concrets (inspirés du terrain)
Exemple 1 : « Nos gros clients sont nos plus rentables »
- Offre « premium » mieux facturée pour les gros comptes (cadre d’options).
- Programme d’expansion (cross-sell) chez les 15 clients « moyens ».Effet : +3 pts de marge en 2 trimestres sans vendre plus de volume.
Exemple 2 : « On sait déjà qui est notre persona »
- Cas d’usage chiffrés (heures d’arrêt évitées, ROI en mois).
- Démo orientée time-to-value, non « fonctionnalités ».Effet : taux de démo → soumission x1,6 en 8 semaines.
De l’analyse à l’action : la petite mécanique qui change tout
Ce qu’on décide (et qu’on arrête)
- Ciblage : 2–3 segments prioritaires (ICP A/B).
- Proposition de valeur : preuves liées aux critères d’achat réels.
- Go-to-market : 2 canaux majeurs bien exécutés > 6 dispersés.
- Processus de vente : phases claires, sorties de phase objectivées.
- Plan 90 jours : qui fait quoi, quand, avec quels livrables.
Gouvernance minimale (sans lourdeur)
- Hebdo 30 min : pipeline par étape et prochaines actions.
- Mensuel 45 min : campagne → leads utiles → RDV → devis → gains.
- KPIs (6–8 max) : % découverte complète, conversion par phase, cycle, marge, rétention.
La BDC insiste : passer d’une gestion ad hoc à une discipline simple et constante est un levier direct de performance (BDC).
Objections fréquentes… et réponses brèves
- « On n’a pas le temps » → Sans diagnostic, vous perdez du temps… au mauvais endroit. 2 semaines d’analyse évitent 3 mois d’errances.
- « On n’a pas les données » → Commencez avec ce que vous avez (facturation + 12 mois). La tendance suffit pour décider mieux.
- « C’est trop académique » → Non : c’est 5 tableaux Excel et 3 rituels. L’objectif n’est pas la perfection, c’est des choix plus intelligents.
À retenir
- Vos certitudes coûtent cher : elles masquent où se trouvent réellement la marge et la traction.
- Le minimum d’analyse paie : Pareto, rentabilité, ICP, win/loss… et déjà, vos priorités changent.
- La rigueur rend plus rapide : moins d’actions, mieux ciblées, mieux suivies.
- Le marché ne pardonne pas l’aveuglement : l’absence de « vrai besoin marché » reste la cause #1 d’échec (voir CB Insights).
Et maintenant ?
Si ce billet vous fait réagir, partagez une certitude que votre équipe a déjà dû remettre en question — et ce que l’analyse a révélé. Plus on compare nos pratiques, plus on élève la barre pour tout l’écosystème.

