Les fausses certitudes sur vos clients vous coûtent une fortune

2025-10-12 09:57 AM - Par Jason Savage

L’improvisation et les biais coûtent cher — seule l’analyse donne la vérité.

Introduction

Quand la pression monte pour « augmenter les ventes », beaucoup d’entreprises sautent l’étape du diagnostic et foncent en prospection ou en campagnes. Résultat : de l’énergie dépensée, peu de résultats durables, et la conviction (fausse) que « le marché est difficile ». Si vous voulez aller de Point A (votre situation réelle) à Point B (vos objectifs), il faut d’abord mesurer Point A. Pas besoin d’un labo de data : quelques analyses de base, bien faites, changent tout.

Deux repères utiles :

  • La BDC observe que nombre de PME gèrent encore leur croissance de façon ad hoc, ce qui limite directement la performance (voir le guide « How to scale up your business » de la BDC).
  • Côté marché, CB Insights rappelle que 42 % des startups échouent faute de “vrai besoin marché” — autrement dit, par mauvaise lecture du client (voir « The Top 12 Reasons Startups Fail » de CB Insights).

Pourquoi nos certitudes déraillent

Les biais qui nous piègent

  • Projection : on suppose que le client pense comme nous.
  • Échantillon biaisé : on généralise à partir de 3 clients bruyants.
  • Confirmation : on ne retient que ce qui confirme notre intuition.
  • Raccourcis d’urgence : « on a besoin de ventes maintenant », donc on zappe le diagnostic.

Les coûts invisibles

  • Mauvais ciblage : du temps passé sur des comptes à faible potentiel.
  • Marge érodée : promesses mal alignées → concessions de prix pour “fermer”.
  • Pipeline illusion : beaucoup d’activités, peu d’occasions qualifiées.
  • Épuisement des équipes : efforts dispersés, peu de victoires.

Diagnostiquer votre Point A : le minimum efficace

Objectif : en 2 à 4 semaines, obtenir une photo honnête de votre mix clients/produits et de vos occasions.

1) Pareto « clients x produits »

  • Classez vos ventes par client et par produit, 12 derniers mois.
  • Identifiez le Top 20 % de clients qui génèrent ~80 % des ventes/marge.
  • Marquez les produits phares vs le bois mort.

À quoi ça sert ? Savoir où concentrer vos efforts (couverture, offres, service).

2) Rentabilité et concentration

  • Calculez marge brute par client/segment.
  • Mesurez la dépendance : part du Top 10 clients dans le total.
  • Repérez les signaux d’érosion : fréquence d’achat en baisse, paniers qui rétrécissent.

Décisions : plans de rétention et d’expansion là où la marge vit.

3) Profil Client Idéal

Créez un score simple (1–5) sur :

  • Fit (usage, exigences techniques)
  • Potentiel (taille, croissance)
  • Accessibilité (accès décideurs, délais d’homologation)
  • Urgence (irritants actuels)
  • Avantage (où vous êtes vraiment meilleurs)

Décisions : prioriser les comptes A/B ; parquer les C (nurture).

4) Équipes d’achats et leurs critères d’évaluation

  • Pour vos 3 segments clés : qui influence/décide ?
  • Quels critères pèsent lourd (risque, intégration, coût total d’acquisition (TCO), délais) ?
  • Quels freins récurrents ?

Décisions : messages, preuves et pitch par persona et étape d’achat.

5) Win/Loss « léger »

  • 10 dossiers gagnés/perdus : pourquoi, à quel moment, face à qui ?
  • Classez les causes « contrôlables » vs « non contrôlables ».

Décisions : corriger les angles morts qui reviennent.

6) Hygiène des données

  • Champs CRM obligatoires par phase (besoin, valeur, décideurs, prochaine action).
  • Définissez 1 version de la vérité (glossaire KPI) et un nettoyage mensuel.

Exemples concrets (inspirés du terrain)

Exemple 1 : « Nos gros clients sont nos plus rentables »

Après analyse, l’entreprise découvre que 3 gros comptes génèrent 35 % du CA… mais seulement 12 % de la marge (rabais, exigences hors-scope). Le Top 15 clients “moyens” portent 48 % de la marge.
Actions :

  • Offre « premium » mieux facturée pour les gros comptes (cadre d’options).
  • Programme d’expansion (cross-sell) chez les 15 clients « moyens ».
    Effet : +3 pts de marge en 2 trimestres sans vendre plus de volume.

Exemple 2 : « On sait déjà qui est notre persona »

Les ventes patinent malgré de beaux pitch decks. Mini-entrevues : ce n’est pas l’ingénierie qui décide, mais opérations + finance, obsédés par la réduction des arrêts et la prévisibilité des coûts.
Actions :

  • Cas d’usage chiffrés (heures d’arrêt évitées, ROI en mois).
  • Démo orientée time-to-value, non « fonctionnalités ».
    Effet : taux de démo → soumission x1,6 en 8 semaines.

De l’analyse à l’action : la petite mécanique qui change tout

Ce qu’on décide (et qu’on arrête)

  • Ciblage : 2–3 segments prioritaires (ICP A/B).
  • Proposition de valeur : preuves liées aux critères d’achat réels.
  • Go-to-market : 2 canaux majeurs bien exécutés > 6 dispersés.
  • Processus de vente : phases claires, sorties de phase objectivées.
  • Plan 90 jours : qui fait quoi, quand, avec quels livrables.

Gouvernance minimale (sans lourdeur)

  • Hebdo 30 min : pipeline par étape et prochaines actions.
  • Mensuel 45 min : campagne → leads utiles → RDV → devis → gains.
  • KPIs (6–8 max) : % découverte complète, conversion par phase, cycle, marge, rétention.

La BDC insiste : passer d’une gestion ad hoc à une discipline simple et constante est un levier direct de performance (BDC).

Objections fréquentes… et réponses brèves

  • « On n’a pas le temps » → Sans diagnostic, vous perdez du temps… au mauvais endroit. 2 semaines d’analyse évitent 3 mois d’errances.
  • « On n’a pas les données » → Commencez avec ce que vous avez (facturation + 12 mois). La tendance suffit pour décider mieux.
  • « C’est trop académique » → Non : c’est 5 tableaux Excel et 3 rituels. L’objectif n’est pas la perfection, c’est des choix plus intelligents.

À retenir

  • Vos certitudes coûtent cher : elles masquent où se trouvent réellement la marge et la traction.
  • Le minimum d’analyse paie : Pareto, rentabilité, ICP, win/loss… et déjà, vos priorités changent.
  • La rigueur rend plus rapide : moins d’actions, mieux ciblées, mieux suivies.
  • Le marché ne pardonne pas l’aveuglement : l’absence de « vrai besoin marché » reste la cause #1 d’échec (voir CB Insights).

Et maintenant ?

Si ce billet vous fait réagir, partagez une certitude que votre équipe a déjà dû remettre en question — et ce que l’analyse a révélé. Plus on compare nos pratiques, plus on élève la barre pour tout l’écosystème.

 

Jason Savage

Jason Savage